Enquête résumé | Pact
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enquête sur la pertinence des projets touristiques de grandes envergures: résumé

Après Les Arcs, c’est au tour de la Rosière d’avoir comme projet un nouveau Club Med. Environ 1000 lits supplémentaires, un investissement proche de la centaine de millions d’euros et 400 emplois promis par l’entreprise qui appartient depuis 2015 à Fosun International, un conglomérat Chinois.

 

En regardant d’un peu plus près le dossier énergétique du projet de la Rosière pendant l’enquête publique, j’ai  réalisé que le complexe était loin d’être exemplaire en matière d’énergie et d’émissions de CO2. En effet les importants besoins en eau chaude sanitaire seront couverts par un système au fioul (le plus émetteur de CO2 après le charbon) et le chauffage sera électrique.

En fouillant un peu plus loin, cette enquête m’a fait découvrir de nombreux autres dommages collatéraux de ce type de projet pharaonique quelque soit l’opérateur : Club Med, Pierre et Vacances, Maeva, ou pire, de la promotion immobilière en résidence secondaire.

 

Au vu de ces éléments, il me semble important d’ouvrir un débat qui doit avoir lieu aujourd’hui de manière généralisé sur ce territoire montagnard de la Tarentaise-Vanoise.

 

Certaines voix émettent des doutes quant au bien-fondé de ce type de projets, d’autres pensent qu’il ne faut pas rater le coche de cette belle opportunité.

Un peu d'histoire

 

Contrairement aux idées reçues, la Tarentaise a été une région plutôt favorisée au cours de son histoire, avec beaucoup de périodes d’aisance économique. Toutefois, après l’exode post seconde guerre mondiale, le plan neige a permis un fulgurant développement de la région.

Nous héritons donc d’un territoire qui est une monoculture du ski, avec plus de 350000 lits touristiques et 3 des plus grands domaines skiables de la planète. La situation dépasse le plein emploi. Cependant, le réchauffement climatique menace la pérennité de cette économie. La jeune clientèle ne souhaite désormais plus de vacances standardisées [1] et le nombre de journée-skieur vendu à atteint un sommet et commence à décliner (France, USA, Autriche).

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Le réchauffement climatique

 

La science climatique et les relevés météo sont sans appels :

- D’ici à 2050, les dés sont lancés (les Gaz à Effet de Serre, GES, sont déjà  émis) et la tendance observée de réchauffement va se poursuivre continuellement.

- Après 2050, cela dépendra des politiques misent en place dès aujourd’hui.

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Un seul scenario est susceptible de stabiliser la montée de température au niveau qui sera atteint vers 2050 : arriver à une neutralité carbone dans 30 ans, et donc baisser nos émissions de 45% dans la prochaine décennie. [2]

Cela relève de l’effort de guerre, c’est tout à fait réalisable si cet objectif est prioritaire dans nos décisions.

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Historique enneigement Chamonix - ORECC.
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Une autre donnée est très importante : la variabilité du climat va augmenter. Cela veut dire qu’on aura certains hivers avec beaucoup de neige, d’autres bien plus secs ou doux. Et au court d’un même hiver des changements très importants.

Aujourd’hui, à Val d’Isère, 1850m d’altitude, on commence à voir la pluie tomber régulièrement dans le village en plein hiver. Phénomène nouveau pour les habitants, ils vivent ce que nous avons vécu 1000m plus bas une quinzaine d’année plus tôt.

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Et ça change beaucoup de choses. Notamment en ce qui concerne les enneigeurs.

Il est indéniable que les canons à neige ont souvent aidé nos stations en début et fin de saison ces dernières années. On voit cependant qu’on commence à atteindre les limites de l’apport de cette technologie [3]. La faute aux températures trop hautes et à la variabilité qui augmente.

Croire que les canons vont nous sauver nous emmène toujours plus loin dans l’incapacité de bifurquer vers une économie plus pérenne.

Quels sont les avantages d’un nouveau Club Med ?

 

L’emploi direct, environ 400 postes seront pourvus. La plupart en recrutement interne,  pour de la main d’œuvre précaire et peu qualifiée. C’est le fonctionnement classique de cette entreprise. Le bassin d’emploi local sera donc peu sollicité. Une dizaine de moniteur de ski permanent et quelques renforts seront également nécessaires.

 

Les retombées indirectes sont de l’ordre de 2,4 Millions d’euros pour une station comme Valmorel. Cela représente environ 2 à 3% du chiffre d’affaire engrangé par tous les acteurs de la station. Les remontées mécaniques en sont les principales bénéficiaires. On voit que pour une station de taille moyenne (14 000 lits touristiques), la redynamisation du site est relative. Pour les stations plus grosses, l’impact est encore plus faible.

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CA des remontées de Valmorel en baisse malgré le nouveau paquebot

Il est parfois évoqué l’argument de l’augmentation de la fréquentation estivale, mais il est avéré que nos infrastructures sont surdimensionnées pour l’été et que les gros complexes font fuir la clientèle qui aime venir en montagne à la belle saison.

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Club Med ou petit village traditionnel, choisissez votre destination montagne

Quels sont les inconvénients d’un nouvel équipement touristique industriel ?
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Les inconvénients quant à eux sont nombreux.

 

Augmentation des pics de fréquentation avec leur lot de saturation des réseaux (routier, eaux usées, piste de ski, hôpital, pollution de l’air,…). Augmentation de la vulnérabilité du tissu économique par une fuite en avant qui diminue la résilience de notre territoire. [4] Destruction de l’environnement et des paysages : pollution lors de la construction, artificialisation des sols importantes, architecture en paquebot colossaux qui vieillissent très mal.

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 Petit Quizz ayant fait le Buzz localement sur les réseaux sociaux

S’ajoute à cela une baisse de la qualité des vies des habitants à cause des problématiques précédentes et également avec la baisse du pouvoir d’achat : certes les revenus sur le territoire sont souvent supérieurs à la moyenne, mais les prix de l’immobilier des lieux attractifs sont tellement élevés que les populations locales sont contraintes d’habiter ailleurs pour accéder à la propriété. En conséquence, cela diminue la vitalité sociale de ces zones. Moins d’habitants à l’année, des commerces qui tournent de moins en moins en morte saison, parfois jusqu'au moment où l’on ferme des classes.

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Effectifs scolarisés commune de Bourg Saint Maurice

Le  développement touristique était conçu comme un moyen de pouvoir faire rester les enfants au pays en leur donnant du travail.

En quelques décennies le pari a été réussi, et quelques décennies plus tard, des jeunes couples doivent partir faute de pouvoir se loger.

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Augmentation de l’impact carbone

 

Le dernier inconvénient n’est pas des moindres : l’augmentation de l’impact carbone du territoire.

On l’a vu, le projet actuel du Club Med de la Rosière est ce qu’il se fait de pire en terme d’émission de CO2 pour les besoins d’eau chaude sanitaire (au fioul), qui sont, rappelons-le, colossaux pour ce type d’équipement.

Un rapide calcul met en évidence environ 800 Tonnes de CO2 rejetés annuellement uniquement pour ce besoin du complexe.

 

Mais en regardant de plus près, la plus grosse part des émissions vient du transport des touristes. Ce phénomène est connu depuis plus de 10 ans avec les premiers bilans carbones réalisés en station qui montrent que le transport est responsable de 60% à 80% de l’impact carbone du site.

 

Etant donné le nouveau positionnement haut de gamme des projets type Club Med, la clientèle visée n’est plus le cadre supérieur Français, mais le très riche étranger. Chinois, Turques, Brésiliens, devraient venir nous visiter en nombre.

 

L’impact carbone du transport est donc démultiplié de façon dramatique par l’usage massif de l’avion. Calculons donc les émissions : en faisant venir, par exemple, des Chinois en première classe pour le Club Med des Arcs, environ 20 000 visiteurs pour la saison (chiffre officiel du remplissage cet hiver),  on émet 160 000 Tonnes de CO2 supplémentaires.

 

Le Plan Climat du territoire avait fait état d’un total de 2 500 000 Tonnes de CO2.

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Un seul complexe de ce genre peut donc augmenter de près de 7% les émissions de notre région ! Si on en construit 5 (deux sont déjà fait, trois sont dans les tuyaux), c’est bien une explosion de nos émissions de CO2 qui va se produire avec une augmentation potentielle de plus de 30%.

Rappelons que l’objectif est une baisse de moitié des émissions avant 2030.

 

Vu sous cet angle, dérouler le tapis rouge au Club Med et consorts dans nos stations revient littéralement à couper la branche sur laquelle nous sommes assis en participant de façon proactive à l’augmentation du réchauffement climatique.

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Il semble donc urgent de revoir nos stratégies commerciales sur le long terme ainsi que nos politiques locales de déplacement.

Un plan d’investissement alpin agressif

 

Le  Club Med (CM) souhaite construire un paquebot par an dans les alpes.

Pourquoi cette stratégie si agressive ?

 

L’histoire récente de cette entreprise est digne d’un roman économique rocambolesque (OPA, attaque en bourse, relation mauvaise entre direction et investisseurs)

Ses résultats financiers sont plutôt mauvais et le club appartient au plus grand conglomérat privé de Chine. [5]

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Tous ces facteurs poussent l’entreprise à avoir une politique de rentabilité immédiate et une vision à très court terme : le temps de retour d’un tel projet est de moins de 10 ans.

 

Le Club Med parle de façon extrêmement décomplexée de la fermeture de ses sites. L’entreprise en a fermé 50 depuis l’an 2000 (dont Chamonix), on est dans une logique du consommable : on construit, on amorti, on ferme.

 

Le Club Med appartient à Fosun International :

- Le consortium Chinois a voulu rentrer au capital de la Compagnie Des Alpes (CDA), principal exploitant des remontées mécaniques en France, pour en devenir actionnaire (à hauteur de 10-15%). Face à la levée de bouclier des élus régionaux, cette prise de pouvoir n’a pas été réalisée pour le moment.

- En décembre dernier, un partenariat industriel a été signé par les deux entités portant en particulier sur la création d’un ski dôme (vers Shangai).

 

La stratégie du Chinois apparaît plus clairement ici, en étant client et fournisseur dans nos stations, la boucle est très lucrative et ses mains deviennent plus libres.

La direction de la CDA est favorable à cette prise de participation Asiatique. Cela lui permettrait d’avoir un allié de poids dans son développement coté soleil Levant, seule perspective de croissance pour l’entreprise. En effet,  l’Asie est le futur marché du ski, notamment grâce aux prochains JO de 2022, le marché Européen étant maintenant mature, voir en déclin.

L’avenir des populations de Tarentaise-Vanoise est donc le cadet de leur souci. Qui leur en voudrait, la CDA et Fosun International sont des entreprises cotées en bourse, ce sont des outils qui ne servent tout simplement pas à cela.

 

Enfin, la prise de conscience croissante de cette fuite en avant par les populations locales, de plus en plus nombreuses à se lever contre ces projets, les fait parfois avorter : Le Warscheneck est épargné en Autriche,  la rivière Eisenbreche en Bavière également, une liaison en pont routier annulée au Liechtenstein, Balmexperience en Italie,…

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Les investisseurs le savent, c’est le moment où jamais de prendre les derniers gros fruits de l’or blanc.

Que faire dans ce contexte si particulier : libérons l’avenir !

 

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Tout le monde en Tarentaise travaille de près ou de loin grâce au tourisme et l’idée n’est pas d’être contre cette économie qui a des retombés financières locales importantes, bien au contraire.

Le but de cette réflexion est de permettre à nos enfants de rester au pays en ayant de quoi vivre dignement.

Continuer le surdéveloppement touristique pour gagner quelques dizaines d’emplois à court terme (et enrichir des grands groupes plus ou moins scrupuleux) et grever notre capacité à faire face aux grands changements qui s’annoncent ne semble pas être la meilleure des solutions.

 

Nous devons au contraire relever la tête, amorcer un virage permettant d’augmenter la résilience de notre économie et libérer l’avenir :

 

- Nous devons nous extraire du carcan des politiques commerciales des gros investisseurs tout en continuant à avancer avec eux.

- Nous devons arrêter de croire que la seule solution est la fuite en avant. Choisissons la qualité plutôt que la quantité.

- Nous devons réintroduire de la démocratie dans nos modes de gouvernance.

 

 

Il semblerait justifié de ne pas augmenter significativement les capacités d’accueil de la Tarentaise. Les grands projets type paquebot n’ont plus leur place ici.

A la place, il faudrait rénover le parc bâtit existant qui en a grandement besoin, et remettre des lits « froids » dans le circuit.

 

En parallèle il faudrait développer des stratégies d’emplois vers un tourisme moins blanc et probablement plus doux, c’est à dire en sortant de la logique industrielle actuelle. Les recettes du passé ne feront pas les emplois de demain.

Par exemple, densifions le maillage des lieux d’accueil type refuge, gite, habitat insolite. Cela permettrait aux guides, moniteurs, accompagnateurs et gardiens d’augmenter leurs activités qui sont très intensives en retombées locales. Les clients, venant de moins loin, pourraient vivre des expériences plus authentiques sur notre beau territoire.

 

Il est également très important de redynamiser des secteurs qui ne sont pas directement ou indirectement lié au tourisme. Artisanat local, agriculture avec plus de main d’œuvre, circuits courts dans l’alimentation et les biens de première nécessité, mise en place d’un pôle de formation pour les métiers du tourisme, de l’écologie,…

Les idées ne manquent pas en réalité et des articulations avec une activité touristique soutenable sont possibles.

 

 

Enfin, il est nécessaire d’agir pour limiter notre impact sur climat. On l’a vu, l’objectif est de diviser par 2 nos émissions de CO2 sur le territoire.

 

Contrairement à d’autres territoires, nous avons des moyens et des ressources importantes pour engager de vrais changements et montrer la voie, il serait dommage de s’en priver.

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Nous lançons donc le "Pacte d'Avenir Citoyen de Tarentaise", PACT, qui se décline en trois engagements complémentaires à l'échelle du territoire :

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1. Relancer la démocratie par l’organisation d’un cycle de deux ans de conférence/débat/table ronde avec la population locale, les élus et les acteurs économiques locaux sur les questions d’avenir.

 

L'idée est de faire ressortir les besoins réels de la population locale afin de guider nos choix politiques pour la décennie qui vient. Ces questions porteront sur les problématiques de l’emploi, des changements climatiques, de l’agriculture, du tourisme, du social, abordée avec une vision d’ensemble et non pas cloisonnée.

 

2. Mise en place d’un moratoire de deux ans sur tous les nouveaux projets de construction dépassant 10 Millions d’euros.

 

Attendons que la consultation des populations ait rendu ses conclusions. Les projets type Club Med font face à de nombreux contentieux en justice et perdent souvent plusieurs années. Si les locaux acceptent de façon démocratique ce type de projet, il y aura moins de levée de bouclier par la suite.

Sans ce moratoire, la fuite en avant sera accélérée grandement par la mise en place d'une consultation citoyenne. Cet engagement est donc indissociable du précédent.

 

 

3. Mise en place d’une politique concertée avec les communes du territoire visant l’atteinte de l’exemplarité environnementale, comportant notamment des objectifs chiffrés de réduction des gaz à effet de serre.

 

Nous devons montrer la voie et être leader dans la lutte contre le réchauffement climatique qui met directement en péril notre économie. Nous sommes une des rare industrie directement impactée par la hausse des températures, il est indispensable que nous prenions les choses en main pour lancer la transition qui seule pourra assurer une continuité du tourisme hivernal. 

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Nous proposons aux élus.es locaux et futurs candidats.es aux municipales de prendre position par rapport au PACT : êtes vous en accord ou en désaccord, quels sont vos commentaires ou arguments ?

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Si vous êtes citoyen ou citoyenne, vous pouvez signer le PACT, pour donner plus de poids à ces engagements dans les débats lors des prochaines municipales ainsi que pour les grandes décisions qui seront prises pour le futur de notre territoire.

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D’autres pistes que celle de l’argent facile à court terme que nous font miroiter le Club Med et consort existent. Elles sont plus ardues et esthétiques, les montagnards que nous sommes devraient les privilégier, les récompenses n’en seront que plus satisfaisantes.

 

La montagne est belle et inspirante, libérons son avenir !

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La Grande Sassière, face Sud

Sources :

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[1] Agence PopRock, Tout le monde dehors [en ligne]. poprock-agence.com [Consulté en Janvier 2019]  http://www.poprock-agence.com/telechargez-lextrait-de-letude-monde/

[2] Rapport automne 2018 GIEC, en anglais [en ligne]. [Consulté en Janvier 2019] https://report.ipcc.ch/sr15/pdf/sr15_spm_final.pdf

[3] Article France bleu [en ligne]. francebleu.fr [Consulté en Janvier 2019]   https://www.francebleu.fr/infos/climat-environnement/face-a-la-secheresse-la-station-de-la-clusaz-fabriquera-moins-de-neige-de-culture-cet-hiver-pour-1542126595

[4] Anouk Bonnemain, Quelle capacité d’adaptation pour les stations de sports d’hiver de haute altitude des Alpes du Nord ? [en ligne]. Openedition.org [Consulté en Janvier 2019] https://journals.openedition.org/soe/1055

[5]Page wikipédia Club Med [en ligne]. fr.wikipedia.org [Consulté en Janvier 2019] https://fr.wikipedia.org/wiki/Club_M%C3%A9diterran%C3%A9e

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